Le Dewoitine 520 de Jarret

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« Un coup de crayon vieux de 70 ans »

1 - copyright t. Genth1 - D520 aux couleurs allemandes-  copyright t. Genth

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Le 3 juin 1943, le Dewoitine 520 numéro de série 486 s'écrasait à Jarret, près de Lourdes.


Cet avion, construit dans les usines de Toulouse fin 1941, avait été récupéré par la Luftwaffe, l'armée de l'air allemande, pour servir d'avion d'entrainement pour ses jeunes pilotes (photo 1). L'escadrille à laquelle il appartenait, la « Jagdesgeschwader 101 », était basée à Pau.
Le pilote de cet avion s'appelait Gerhard Domashke et le crash eut lieu à cause d'une «faute de pilotage » (selon les archives de la Luftwaffe de 1943 : photo 2);
Le Dewoitine 520 était un avion pointu et difficile à piloter : les accidents en école de chasse furent fréquents (photo 3).

Mars 2011 : Ce matin, nous voilà sur le terrain où l'avion s'est écrasé. La propriétaire des lieux nous a fort aimablement ouvert ses portes en grand et donné l'autorisation de chercher, le maire actuel a également donné son feu vert et Christian, l'ancien maire est même venu avec sa pelleteuse !! (photo 4)

Christian nous explique qu'une partie de l'avion a déjà été retrouvée dans les années 1980, mais qu'il reste certainement des débris, peut-être même le moteur ? Rêvant de déterrer un mythique moteur en ligne « Hispano Suiza 12Y », nous partons en chasse plein d'entrain (photo 5);

Nos spécialistes se mettent au travail avec un appareil puissant permettant de détecter les grosses masses métalliques (photo 6)

Ma machine, beaucoup plus simple, est efficace et les objets commencent à voir le jour. Le moteur n'est pas au rendez-vous, mais la moisson est bonne (photo 7) et la journée passe vite; nous la terminons d'ailleurs par une magnifique balade dans les environs (photo 8).

Retour à la maison : jetons un œil sur nos trouvailles.

44Comme d'habitude, un tri est nécessaire.

Cette splendide pièce portant un numéro, par exemple (photo 9) est-ce le numéro de série l'avion ? pas du tout, c'est celui d'un mouton ! ce marquage s'accroche à l'oreille de la bête et il est tombé dans la terre, au milieu des pièces de l'appareil.

Certaines pièces de l'avion portent des traces de peinture, d'autres ont des numéros de série (photo 10), mais comment connaitre leur fonction ?

Je passe une petite annonce sur le site « Aéroforums » pour tenter de déchiffrer une étiquette portant une inscription (photo 11) et me voilà en contact avec Thierry.

Thierry est un passionné du Dewoitine 520. Il le connait dans ses moindres rivets car il restaure le Dewoitine 520 du Conservatoire de l'air et de l'espace de Bordeaux;
Il passe un après midi chez moi avec sa documentation (photo 12) et là, les morceaux de métal prennent vie.

Il m'explique que ce morceau de structure (photo 13) est une élément de la mitrailleuse de la marque MAC qui équipait les D520 (photo 14), que cette pièce ronde (photo 15) était un manomètre de mesure de pression d'air, cette petite plaquette d'instruction (photo 16 ) était sur le tableau de bord en haut à droite, ces supports (photo 17 et photo 18) tenaient la mitrailleuse.

Et la plaquette illisible (photo 11) est déchiffrée par notre Champollion du Dewoitine : il fallait lire « DANS LE CAS OU LA TIGE DE SERRAGE EST HORIZONTALE PLACER LE FREIN SUR CHAPE AR DU COTE OPPOSE A LA COMMANDE DE GAUCHISSEMENT »

2 - d520 crash2 - d520 crashDans un musée de peinture, un guide vous fait comprendre l'histoire d'un tableau, il vous détaille sa composition et il décrit son message. De la même façon, Thierry fait revivre ces pièces d'avion grâce à ses explications.

Ensemble, nous voyons des éléments portant encore des traces de peinture:
le camouflage (photo 19),
l'apprêt couleur chamois appliqué en usine (photo 20),
le rouge de la cocarde française, car, avant d'avoir été aux couleurs allemandes, l'avion portait des marques françaises bleu blanc rouge; (photo 21)
Un composant d'équipement avec une date de fabrication (photo 22)
Un élément de structure provenant de la voilure (photo 23)
Un morceau d'aileron avec son support et la tringle autour de laquelle il pivotait (photo 24)

Enfin, dernier détail très émouvant, une trace de crayon attire notre attention.
Sur un support de voilure (photo 25 et 26), une inscription manuscrite : « supérieur »;

Sur la chaine d'assemblage de Saint Martin du Touch à Blagnac, où seront produits plus tard l'Armagnac, la Caravelle, le Transall puis aujourd'hui l'ATR, un compagnon a écrit en 1941 ce mot : « supérieur ».
Ce support de voilure était logé dans la partie supérieure et pour ne pas le confondre avec une autre pièce, cette annotation avait été faite.
C'était il y a plus de 70 ans et nous la retrouvons aujourd'hui !

Si ce compagnon avait pu savoir que son coup de crayon allait ainsi traverser le temps...

Gilles Collaveri

Remerciements :

Christian Falliero, Thierry Fournier, Thomas Genth, Dan Gilberti, Madame Guillaume, Mr. Ange Mur, Jean François Segura, et Tom Doniphon, toujours !

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